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Interview Visual Art Journal
28 mai 2025

L'original (anglais) se trouve ici : 

CFLMT

28 MAI

INTERVIEWS

Année de naissance : 1975

Où habitez vous : Lille, France

Votre formations : gestion, photographie de studio, art thérapie

Décrivez votre art en 3 mots : émotion, authenticité, bienfaisance

Votre discipline : photographie

Site Web | Instagram

Votre travail en portrait semble profondément intime et émotionnel. Comment créez vous un espace si sûr et ouvert pour vos modèles pendant une séance photo ?


Je les reçois dans mon salon ! Ma priorité est le bien-être du modèle, donc je prends le temps de l’accueil, de savoir dans quelle énergie il est au moment d’arriver, évaluer ses besoins, le laisser s’exprimer sans contrainte et surtout sans directive.
L’écoute et la bienveillance sont mes alliées. L’environnement de la prise de vue n’est pas aseptisé, c’est un lieu de vie, ce qui donne une ambiance décontractée. 
Mes modèles ne posent pas, nous passons un moment ensemble à discuter, tester des textures, explorer des émotions, on s’amuse. La photo est au second plan pour que le modèle puisse se sentir totalement libre dans une bulle hors du temps et sans jugement, la photo est le témoin du moment. Je les rassure sur la confidentialité, qu’à ce moment-là nous sommes une équipe, le process de création est partagé, ça nous met sur un pied d’égalité et cela permet d’équilibrer le pouvoir, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise position ou expression puisque nous évoluons ensemble, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de faire, il y la nôtre que nous créons. Ils peuvent, crier, rire, chanter, pleurer, c’est ok. Je suis une hypersensible, cela m’aide à percevoir les ressentis et à les accompagner tout au long du shooting, faire une pause si besoin. Lorsque nous avons fini, nous prenons un temps pour discuter de leur ressenti, du avant après, et je les rassure sur les photos, même si je ne leur montre rien tout de suite car je souhaite qu’il profite juste du moment.

 


Vous décrivez vos séances photographiques comme des moments de « lâcher-prise ». Qu’est-ce que cela signifie pour vous, et comment guidez vous les modèles vers cet état ?


Le lâcher-prise est, pour moi, une liberté d’être soi sans jugement, ni le nôtre ni celui de l’autre. C’est un état d’esprit. Il y a plusieurs moyens de l’atteindre. Les accessoires sont très importants, ils permettent de détourner l’attention et sont aussi des outils d’expression. Ils permettent une connexion avec le corps et cela a un côté ludique et régressif. Eveiller l’enfant intérieur aide tout particulièrement. Un enfant agit sans se soucier du regard de l’autre, il s’exprime spontanément. C’est parfois difficile voir douloureux pour certain modèle de lâcher prise, parce qu’ils sont dans le contrôle de leur vie, de leur image. Parfois nous n’y parvenons pas, c’est rare et c’est ok. Parfois ils ne lâchent prise pendant quelques secondes ou minutes, je me dois d’y être attentive. J’apprends les méandres du fonctionnement humain chaque jour et le modèle en apprend sur lui, c’est toujours constructif. On lâche prise lorsqu’on est dans l’acceptation des émotions et qu’on l’exprime sans y réfléchir, j’essaie d’ouvrir le dialogue sur le domaine émotionnel , les accessoires permettent de connecter l’émotion et l’expression. Ce n’est pas une science exacte et cela sera propre à chacun, nous sommes tous différents il faut bien l’avoir en tête en commençant pour ne pas avoir d’attentes précises et suivre l’énergie du moment pas celle qu’on a imaginé ou qu’on souhaitait.

Pourquoi choisissez-vous de ne pas retoucher vos photos ? Comment vos modèles réagissent ils généralement face à leur image dans une forme aussi brute et authentique ?

Je cherche à aider les modèles à s’apprécier, à s’aimer dans leur individualité. Pour cela, il me semble essentiel de ne pas les retoucher. S’ils aiment la photo mais qu’ils sont retouchés, comment se réconcilier avec une image qui n’est pas vraiment soi ? Cela n’a pas de sens. L’authenticité de la photo est la preuve de leur beauté. D’ailleurs, je leur demande de venir comme au quotidien à la séance. Pas de maquillage spécial, pas du tout c’est tel qu’ils sont au quotidien, pas de coiffure particulière. Ils seront comme tous les jours, c’est le modèle qui est pris en photo, pas une version pimpée ou aseptisée.
Les réactions des modèles varient. Ils savent avant que les photos ne seront pas retouchées. Ils ont parfois du mal à croire que c’est vraiment eux, car ils se voient jamais ainsi. Souvent, ils aiment, se trouvent beaux. C’est parfois douloureux au premier abord, parce que le premier regard peut être très critique mais le plus souvent c’est une révélation plutôt « wouahh c’est moi ». Et surtout ça leur rappel qu’ils se sont autorisés à prendre un temps pour soi et ça leur fait du bien, ils ont osé. 

Ils se demandent souvent à quel moment les photos ont été prises parce qu’ils étaient dans le moment et ont quelques instants oublié l’appareil. Et puis souvent ils me disent qu’ils apprécient que leurs proches leur disent « on te reconnait bien » . Par contre quand certains aiment mais ne se reconnaissent pas, ils s’interrogent sur leur propre regard parce que justement la photo n'est pas retouchée donc c’est bel et bien eux et cela ouvre la porte à de l’indulgence, à des remises en question, à plus de bienveillance envers soi même.

 

Comment votre formation en art-thérapie a-t-elle influencé votre démarche photographique et vos interactions avec les personnes que vous photographiez ?

La notion de photo bien-être était là bien avant la formation d’Art-thérapie. Je n’avais pas forcément mis les mots précis dessus. Elle a été un outil pour m’aider à mieux accueillir et accompagner les modèles, à développer mes compétences et un savoir-faire. Cela m’a permis d’améliorer la méthode, qui continue d’évoluer. C’est aussi un moyen de sécuriser les modèles, les français aiment les diplômes, ça les rassurent.
Je continue de m’intéresser à l’humain, à la psychologie, aux neurosciences, à me former à ce qui peut m’aider à accompagner les modèles au mieux.

Quel rôle joue la vulnérabilité dans vos portraits ?

Pour moi, la vulnérabilité c’est se montrer sans artifice et sans armure. Je pense que souvent nous confondons vulnérabilité et faiblesse, à tort. Montrer notre vulnérabilité c’est aussi montrer nos fragilités. Je pense que c’est dans le lâcher prise qu’on est le plus fragile mais aussi le plus fort car cela nous donne accès à notre nous tout entier et à notre instinct, à toutes nos ressources. Lorsque nous nous connectons à notre nature profonde c’est aussi là que nous rayonnons car nous exprimons complétement qui nous sommes et cela se voit. Il y a là une question de l’énergie, des vibrations que nous émettons au monde, qui nous rend beau car aligné avec qui nous sommes et la place que nous occupons dans ce monde pour former un tout harmonieux avec ce qui nous entoure.

Considérez-vous la photographie comme une forme de guérison ou de découverte de soi — pour vous-même ou pour vos sujets ?

Ce serait exagéré de prétendre que c’est une forme guérison. Cela peut faire partie du chemin. Comme toute forme d’art, c’est un puissant moyen d’expression qui fait ressortir notre inconscient. Ce dernier trouve toujours un moyen de s’inviter dans le travail photographique à la prise de vue, dans le choix des modèles ou des photos. Je préfère qu’il évacue les cris et les pleures de cette façon plutôt qu’en somatisant, en ce sens c’est plus un outil de prévention que de guérison pour moi. La
photographie est un réel exutoire, j’y mets ce qui m’est difficile de dire avec des mots mais aussi ce qui m’anime et me fait avancer. Le partager avec les autres, c’est un terrain de communication qui est facile pour moi. Le partage fait parti de mes valeurs et c’est un joli moyen d’être en contact avec l’autre, si cela permet d’alléger ne serait-ce que quelques minutes sa peine ou sa douleur alors tout est pour le mieux.

Vos séries ont quelque chose de très tactile — paillettes, peinture, gestes. Qu’est-ce qui vous a inspiré cette direction sensorielle et expressive dans votre langage visuel ?

La sensualité est pour moi un mode de vie. La vie est faite de sensation physique, émotionnelle et spirituelle. Ressentir c’est vivre. Cela fait partie de moi et j’imagine de manière inévitable de mon travail photographique. J’aime communiquer, j’ai besoin de partage et les sens sont le moyens d’échanger avec l’autre. Tout les sens reçoivent des stimuli et nous les traduisons positif, négatif, neutre, souvent neutre d’ailleurs ! Heureusement sinon nous serions épuisés d’un feu d’artifice de sensations ! Je pense que cela permet d’envoyer un message, c’est pour cela que j’insiste pour que les modèles choisissent leur mouvement, pour cela reste naturel et que cela soit fidèle à leur façon de s’exprimer. La peinture et les paillettes que le modèle s’applique lui-même permettent une communication intérieure, le modèle choisit les couleurs, les quantités de matière, cela lui permet d’abord de s’exprimer pleinement et ensuite d’entrer en contact avec son propre corps et d’éveiller ses sens, en respectant sa sensibilité.​

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